L’apprentissage tout au long de la vie est un des éléments sur lesquels mise le deal pour l’emploi par le biais de mesures ciblées. Mais qu’en est-il actuellement au niveau des formations au travail ? Pourquoi est-il important pour les PME de miser sur les formations ? Et quelles sont les conséquences éventuelles si elles ne le font pas ? Laura Van den Eede, experte chez Liantis, se penche sur quelques questions pertinentes.
La formation est la meilleure arme sur le chemin de la vieillesse. C’est ce qu’avançait déjà le philosophe grec Aristote il y a plus de deux mille ans. En langage actuel, on parle d’apprentissage tout au long de la vie. Et Laura Van den Eede croit elle aussi dur comme fer à cette philosophie. En tant que business lead chez Liantis Consult, elle est spécialisée en formations. Ce qui n’est pas illogique après ses études de pédagogie et son intérêt soutenu pour l’enseignement pour adultes, l’apprentissage dual et les formations au travail.
Laura, vous avez sûrement lu vous aussi le deal pour l’emploi. Que pensez-vous du fait que les autorités prévoient aussi des mesures et des obligations en matière de formation ?
Laura : « L’accord prévoit en effet que les collaborateurs auront un droit individuel élargi à la formation et que l’élaboration d’un plan de formation sera désormais aussi obligatoire pour des employeurs plus petits. Je comprends que les autorités prennent des mesures afin que, dans un marché du travail qui évolue rapidement, nous puissions rester compétitifs par rapport à nos pays voisins et faire en sorte que chacun ait les aptitudes pour pouvoir rester plus longtemps au travail. Mais cela ne peut être vu comme un objectif final : « je respecte ces mesures, et cela suffit ». J’espère que cela nous incitera en tant que société à aller vraiment vers un changement de culture mettant au centre des préoccupations les formations et les nouvelles aptitudes requises. »
Nous ne le faisons pas encore de manière suffisante ?
Laura : « Les chiffres nous montrent clairement que non. Il ressort en effet des chiffres de l’OCDE (2019) que 51 % des Flamands n’ont pas suivi de formation au cours des douze derniers mois. Plus surprenant encore dans cette enquête : 82 % des adultes flamands ne veulent tout simplement pas de formation. Nous pouvons donc certainement aller plus loin. Selon des études toutefois, les starters estiment que l’apprentissage tout au long de la vie est important. Nous sommes donc tous conscients de l’importance des formations, mais nous ne constatons pas directement cette envie d’apprendre en pratique. »
Pourquoi les formations sont-elles si importantes ?
Laura : « Avant, il était possible de faire toute sa carrière avec les mêmes aptitudes. Ce n’est plus le cas à présent. Pour le dire simplement : la date de péremption des aptitudes se réduit, et ce en raison de l’automatisation, de la robotisation et de la numérisation accrues. Auparavant, on se focalisait aussi plus souvent sur les aptitudes techniques : que faut-il pouvoir faire pour exercer la fonction ? Les exigences se déplacent désormais vers des aptitudes numériques et des soft skills, comme l’empathie, la créativité et la communication. L’apprentissage tout au long de la vie doit par ailleurs nous préparer à des emplois qui n’existent en réalité pas encore. »
S’agit-il alors plutôt de recyclage ou de reconversion ?
Laura : « Les deux. Le recyclage pour maîtriser les dernières évolutions, par exemple en matière de numérisation, mais aussi la reconversion totale dans une nouvelle fonction. Dans une enquête menée auprès de professionnels en L&D (Learning & Development), 79 % ont déclaré qu’il était moins coûteux d’organiser le recyclage d’un travailleur en interne que de suivre toute la procédure pour recruter une personne externe. Par ailleurs, avec la pénurie de main-d’œuvre que connaît actuellement le marché de l’emploi, il n’est pas toujours évident de trouver le candidat approprié. La mobilité interne et le recyclage peuvent donc apporter une solution. »
Certains employeurs se demandent sans doute s’il est vraiment nécessaire d’investir dans des formations pour des travailleurs qui quitteront peut-être ensuite l’entreprise. N’est-ce pas alors de l’argent jeté par les fenêtres ?
Laura : « C’est ce qu’on entend en effet parfois. Mais je retourne alors la question. Quelle est l’autre option : ne pas investir ? Ne pas proposer de formations ? Ce ne sera pas non plus intéressant pour votre entreprise et sa durabilité. Il n’est donc pas seulement important d’investir dans de nouvelles machines, mais aussi d’être attentif aux personnes qui devront travailler avec ces nouveaux outils. On peut quelque part comprendre la crainte exprimée : il est souvent très difficile de déterminer le retour sur investissement concret des formations – et des investissements qui vont de pair avec ces formations. Ce n’est pas toujours mesurable. Mais si chaque employeur investit, on ne pourra que se renforcer mutuellement. Par ailleurs, dans l’actuelle guerre des talents, pouvoir prouver qu’on mise sur les formations et qu’on encourage la mobilité interne constitue assurément un atout. »
Quels sont vos conseils aux entreprises qui veulent investir davantage dans les formations ?
Laura : « Souvent, les entreprises ne doivent pas démarrer de zéro. Vous avez peut-être déjà rédigé un jour des offres d’emploi mentionnant les aptitudes requises pour un certain poste, ou encore une description de fonction ou un plan de formation. Cela peut constituer un point de départ pour déterminer l’objectif que vous vous fixez en tant qu’organisation, à court et à long terme. De quelles compétences disposez-vous en interne ? Lesquelles font défaut ? Lesquelles voulez-vous améliorer ? Quelles formations voulez-vous proposer ? Vous devez en effet éviter toute approximation et bien réfléchir à un plan. Cela peut aussi inclure des moments d’apprentissage informels au cours desquels les collaborateurs s’inspireront les uns les autres. Dans le cadre d’une formation, nous pensons encore trop souvent à un local de classe qui sent le renfermé, alors qu’il existe d’autres manières d’organiser une formation. Prêtez aussi une oreille attentive à vos collaborateurs. De quoi ont-ils besoin ? Qu’est-ce qui leur manque encore ?
Comment les employeurs peuvent-ils motiver leurs collaborateurs à suivre des formations ?
Laura : « Il est vrai que tous les collaborateurs ne sont pas enthousiastes. Mais si vous pouvez démontrer que les formations contribuent aux objectifs de l’entreprise, cela peut énormément les motiver. Ils seront davantage conscients de la pertinence de ces formations. Ils opteront aussi plus rapidement pour une formation si celle-ci stimule leur développement personnel. »
Enfin et surtout, comment voyez-vous l’avenir des formations dans notre pays ?
Laura : « J’espère vraiment que nous nous dirigerons vers un changement de culture général et social. Et c’est là le travail de chacun. Que ce soit l’enseignement, qui devrait par exemple miser davantage sur la capacité à résoudre des problèmes, les employeurs, qui doivent prévoir du temps et un budget à cet effet, mais aussi les collaborateurs, qui ont la responsabilité d’opter activement pour des formations. Je suis convaincue qu’ensemble, nous sommes capables d’y arriver. »