Ces dernières années, les autorités et les employeurs ont porté une attention croissance au bien-être mental des travailleurs. Et c'est une bonne chose. Mais qu'en est-il du bien-être mental de ces mêmes employeurs et entrepreneurs ? De récentes publications dressent d’emblée un tableau sombre de la situation. Près de cinq employeurs et entrepreneurs sur dix déclarent être constamment stressés, tandis que quatre sur dix disent être trop fatigués. Des chiffres alarmants, mais quelles sont les causes des problèmes exprimés ? Evy Sadicaris, responsable de discipline au sein de l'équipe Bien-être psychosocial chez Liantis, et Karel Van Den Eynde, manager public affairs chez Liantis, ont mis le doigt sur le problème.
Il n'y a évidemment pas une cause unique. Tout comme chez les travailleurs, le stress chez les employeurs résulte d'une combinaison de facteurs, explique Evy : « En tant qu'entrepreneur, vous vous imposez des attentes élevées. Vous voulez être performant et réussir, à la fois aux yeux de vos clients et par rapport à vous-même. Par ailleurs, les clients d'aujourd'hui sont beaucoup plus assertifs et exigeants qu'autrefois, ce qui peut générer du stress. »
L'aspect financier peut lui aussi être source de stress. Le sentiment d'incertitude permanente concernant les revenus et les dépenses peut constituer une charge mentale énorme. Le volet organisationnel d'une entreprise est le troisième facteur. « Il ne suffit pas d'avoir une idée de la manière dont vous voulez gérer votre entreprise dans la pratique », explique Evy, « encore faut-il être capable de mettre cette idée en pratique et de faire face aux défis que cela entraîne ».
Est-il vrai que les entrepreneurs sont effectivement plus stressés qu'autrefois ou est-ce que l'on s'y intéresse davantage ? Karel mène des recherches sur le sujet depuis des années. Il explique : « En 2019, nous avons démarré le projet « De Veerkrachtige Zelfstandige » (l’indépendant résilient). À l'époque, notre enquête révélait déjà que le problème était très présent chez les entrepreneurs indépendants. Depuis, Liantis a renouvelé cette enquête chaque année. Ces dernières années, diverses crises se sont succédées : la pandémie de coronavirus, la crise énergétique, la guerre en Ukraine... Notre enquête montre que le nombre d'indépendants qui se déclarent régulièrement ou toujours stressés a fortement augmenté, passant de 40 % à 60 % en 2022. En 2023, il a légèrement baissé, mais il s'est stabilisé à un niveau nettement supérieur à celui de 2019. »
« Bien qu'il n'y ait pas de chiffres spécifiques concernant le burn-out chez les indépendants, on note quelques tendances indéniables », dit encore Karel. « En 2019, la KU Leuven a développé un outil d'évaluation du burn-out. Cet outil s’est accompagné d'une enquête qui a montré que le risque de burn-out existe chez 10 à 15 % de la population générale. Un chiffre que l’on peut certainement extrapoler aux indépendants, car nous savons que le niveau de stress chez les indépendants est souvent beaucoup plus élevé que chez les travailleurs. »
Mais comment savoir quand le stress devient trop important ? Selon Evy, le stress se manifeste à trois niveaux : physique, mental et comportemental. Sur le plan physique, des symptômes comme les maux de tête, les douleurs musculaires et la fatigue peuvent apparaître. Sur le plan mental, on note souvent des difficultés de concentration, de l'abattement et un sentiment d'échec. Sur le plan comportemental, le stress peut faire que les personnes se coupent de leur environnement ou développent des habitudes malsaines, comme le tabagisme ou la consommation excessive d'alcool.
Depuis cette année, les caisses d'assurances sociales telles que Liantis se sont vu confier une mission supplémentaire, à savoir sensibiliser, informer et encadrer les entrepreneurs indépendants sur le plan du bien-être mental. Mais comment cela se passe-t-il concrètement ? Evy : « Ce sont nos conseillers clients qui détectent ces signes et en discutent avec les entrepreneurs. S'ils constatent que la personne est effectivement ouverte à un encadrement, elle est orientée vers l'équipe Bien-être psychosocial. Le plus important, c'est qu'en tant qu'entrepreneur, vous soyez ouvert et que vous réalisiez que vous ne devez pas toujours tout gérer seul. Vous devez oser accepter que vous méritez vous aussi une aide pour votre santé mentale, votre bien-être mental. »
Dans cette optique, on peut établir un parallèle intéressant avec le sport (de haut niveau), explique Evy : « Les athlètes de haut niveau ne sont pas seuls eux non plus. Ils sont entourés par des médecins, des kinésithérapeutes, des psychologues, et tout ça est tout à fait normal. Nous voulons instaurer le même caractère de normalité chez les entrepreneurs. Il n'y a pas de mal à demander du soutien et de l'aide. Même les athlètes de haut niveau le font. Alors pourquoi pas vous ? Le but étant que vous puissiez vous concentrer sur l'essence de votre travail. »
Tout comme chaque athlète est unique, la situation de l'entrepreneur est quelque chose de très personnel. Elle nécessite donc une approche personnalisée. « C'est pourquoi nous avons également prévu une offre différenciée pour les entrepreneurs », explique Evy. « C'est précisément parce que nous savons que ces problèmes peuvent être très divers que nous voulons également proposer une offre sur mesure à l'entrepreneur. Car il ne s'agit pas d'un simple entretien pour discuter un peu de la situation de la personne. Nous allons vraiment plus loin. Lors d'une première rencontre, nous écoutons bien sûr toujours la personne pour savoir ce qu’elle vit exactement. Quels sont ses besoins et ses exigences. Nous pouvons partir de là. Ce qui est important, c’est que l'entrepreneur communique honnêtement et sincèrement avec nous à cette étape. »
Ce besoin de communication ouverte met immédiatement en lumière un point sensible du thème. Le bien-être mental est-il encore un sujet tabou parmi les entrepreneurs ? Ou les athlètes, par exemple, – encore eux – ont-ils ouvert la voie aux Jeux olympiques de 2020/21 pour que le sujet puisse être ouvertement abordé ? « Beaucoup de choses ont déjà changé », déclare Karel, « mais il reste du chemin à faire ». Au sein de tout un groupe d'entrepreneurs, le tabou est encore bien vivant. L’idée est encore souvent que l'entrepreneuriat est synonyme de réussite et que vous devez toujours être en permanence actif. Cette image est souvent confirmée aussi par les pouvoirs publics. Ce sont généralement des entrepreneurs qui ont réussi qui sont mis en lumière, qui prennent la parole à la télévision, etc. Mais entreprendre, c'est aussi prendre des risques et parfois échouer. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, par exemple, la mentalité en Belgique est encore que toute personne qui fait faillite est un entrepreneur qui a échoué.
C'est aussi pour cela qu’il est si important pour un indépendant de pouvoir faire appel à ou s’entretenir avec des personnes qui savent en quoi consiste l’entrepreneuriat. Karel : "Entamer cette conversation constitue parfois un obstacle pour un entrepreneur, même avec des membres de son foyer ou de sa famille. S'il n'y a pas d'autres entrepreneurs parmi ces personnes, il part du principe que personne ne sait exactement ce qu'est l'entrepreneuriat. S'il peut faire appel à des personnes qui le savent – et chez Liantis, ces personnes existent, – il a déjà franchi ce seuil. C'est une valeur ajoutée absolue que Liantis peut offrir à l'entrepreneur.