Sur les réseaux sociaux comme TikTok, un nouveau phénomène prend peu à peu de l’ampleur parmi les travailleurs : la démission silencieuse (ou « quiet quitting » en anglais). Mais en quoi consiste-t-il au juste ? Doit-on le craindre ? Et surtout, comment les employeurs peuvent-ils prévenir son apparition ? Notre expert Bernd Carette, senior manager Liantis Consult répond à plusieurs questions importantes concernant cette nouvelle tendance. « Il s’agit bien souvent d’un mécanisme de défense contre le burn-out. »
Bernd Carette : « Cela ne signifie pas forcément que les personnes concernées veulent quitter l’organisation, mais plutôt qu’elles prennent leurs distances par rapport à une culture dans laquelle il est normal de travailler d’arrache-pied et d’enchaîner les heures supplémentaires. Ces personnes fixent donc des limites beaucoup plus claires en ce qui concerne leurs horaires de travail et leurs tâches, qui se limitent strictement aux accords conclus dans le contrat. »
Bernd Carette : « Nous constatons que ce phénomène est le plus répandu parmi les jeunes. Bien entendu, ils utilisent beaucoup les réseaux sociaux et sont donc davantage susceptibles d’être influencés par les nombreuses vidéos qui y circulent. En outre, de nombreux jeunes sont habitués à travailler uniquement à distance, à domicile ou en déplacement. Ils ne sont pas ou peu familiarisés avec le fait de devoir se rendre sur leur lieu de travail. Or, les limites sont plus difficiles à respecter en télétravail, c’est un fait avéré. Cette nouvelle tendance confirme donc la volonté des jeunes de trouver un meilleur équilibre entre travail et vie privée. »
Bernd Carette : « Il ressort d’une enquête internationale que le degré d’engagement des travailleurs en 2021 et en 2022 est considérablement moins élevé comparé aux années précédentes. L’engagement des jeunes en particulier est le moins marqué de tous. La situation est donc clairement problématique et préoccupante. En outre, nous nous dirigeons selon certaines prévisions vers une situation économique pour le moins défavorable. Les travailleurs adeptes de la démission silencieuse pourraient bien se retrouver dans la ligne de mire des employeurs contraints d’envisager des licenciements.
Néanmoins, cette tendance ne repose pas uniquement sur la « paresse » de certains travailleurs. Il s’agit également d’un mécanisme de défense contre le burn-out, qui survient précisément lorsque les personnes ne fixent pas suffisamment de limites dans leur travail. Je suis donc un peu partagé sur la question : d’un côté, il est normal de vouloir que ses travailleurs soient impliqués et productifs, mais de l’autre, ils doivent également pouvoir trouver un équilibre et surveiller leurs limites. »
Bernd Carette : « Dans un premier temps, il est important de déterminer pourquoi les travailleurs s’impliquent moins dans leurs tâches. Quelles sont les causes sous-jacentes ? S’agit-il de personnes auparavant très impliquées et qui semblent désormais s’éloigner de l’organisation ? Pour beaucoup, la pandémie a fait office de catalyseur : nous constatons qu’à l’heure actuelle, de plus en plus de gens aspirent à donner du sens à leur travail. Ils recherchent de la valeur, et lorsqu’ils ne la trouvent pas au travail, ils tentent leur chance ailleurs et aménagent leur temps en conséquence. Leur conception du travail implique d’effectuer les tâches pour lesquelles ils perçoivent un salaire déterminé, et c’est tout. Ils cherchent ensuite à consacrer le reste de leur temps à des activités enrichissantes et imprégnées des valeurs qui leur correspondent. Si, en tant qu’employeur, vous veillez à ce que les tâches effectuées par vos collaborateurs au travail aient du sens et à ce qu’ils en tirent de la satisfaction, vous constaterez qu’ils s’impliqueront davantage pendant les heures de travail. »
« L’employeur doit également être à même d’identifier les signes de démission silencieuse et de voir comment concilier au mieux ses ambitions et le besoin qu’ont les travailleurs de se fixer des limites. D’un côté, il peut être intéressant de les laisser faire preuve de plus d’autonomie. Ils seront ainsi mieux armés contre le stress et le burn-out. Mais bien entendu, les employeurs s’attendent également à ce que leurs collaborateurs s’impliquent pleinement dans leurs tâches et soient productifs pendant leurs heures de travail bien définies. Le mieux est donc d’engager un dialogue constructif avec les travailleurs pour tenter de trouver les meilleures solutions possibles. »