Depuis avril 2023, les organisations comptant au moins 20 collaborateurs devront ancrer le droit à la déconnexion, l'un des piliers du deal pour l’emploi, dans leur organisation. Selon Madelien Overtoom, Liantis Consult, il est nécessaire d’opérer un triple changement dans la culture d’une entreprise pour véritable donner forme à la déconnexion. L'individu, l'équipe et l'organisation doivent vouloir s'engager dans cette voie. « La base ? Un bon leadership. »
Madelien : « Le droit à la déconnexion est le droit légal de ne pas être connecté ou joignable en dehors des heures de travail. Vous vous déconnectez littéralement de votre travail et/ou de votre employeur. Votre employeur ne peut donc plus vous contacter, sauf dans des circonstances imprévisibles ou spécifiques qui ne peuvent attendre.
Ces circonstances et conditions pratiques doivent être définies par l'employeur dans une CCT ou le règlement de travail en vigueur. Il doit être précisé de manière objective quand l'employeur a ou n'a pas le droit de déranger un collaborateur après les heures de travail. Il ne s'agit pas de définir des règles « ne pas déranger » strictes, mais plutôt d'établir un cadre pour des accords de travail flexibles et réalistes.
Madelien : « La déconnexion n'est plus un luxe : elle est devenue une nécessité pour garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le collaborateur se déconnecte non seulement de son travail, mais également des technologies de l'information et de la communication liées au travail. Tant sur le plan professionnel que privé, les TIC ont radicalement changé nos vies ces dernières années. Dans un premier temps, le but était d’améliorer et d’optimiser notre qualité de vie. Mais il y avait un revers à la médaille : avec la multiplication des outils de communication numérique, la frontière entre vie professionnelle et vie privée s'est considérablement estompée et l'hyper communication est devenue source de stress. Le télétravail à domicile pendant la pandémie est venu renforcer ces tendances et un lien est clairement apparu entre ces technologies et notre bien-être. La déconnexion est destinée à créer une distance saine par rapport à la communication numérique en dehors des heures de bureau dans le but de préserver la santé mentale.
Madelien : « La mise en œuvre de la déconnexion requiert un équilibre délicat. Il ne s'agit pas seulement d’appliquer la loi, mais aussi de créer une culture dans laquelle les collaborateurs se sentent soutenus dans leur droit à prendre de la distance en dehors des heures de travail par rapport à la communication liée au travail. Et il ne suffit pas de conclure des accords généraux sur la question, car la déconnexion est aussi quelque chose de très personnel. Ce qui procurera une satisfaction à telle personne stressera telle autre. Il est important pour un responsable d’équipe de communiquer de façon ouverte à ce sujet, tant au niveau de l'équipe que du collaborateur. Car nous devons absolument nous poser la question de savoir pourquoi ou de quoi nous devons nous déconnecter.
Qu'est-ce qui fait que j'ai une charge de travail importante ? Quelles sont les attentes ? Ce que l'on attend de moi est-il réaliste ? Le droit à la déconnexion n'est pas la solution par excellence à tout, mais plutôt une ouverture pour entamer le dialogue. De plus, les collaborateurs eux-mêmes doivent oser éteindre leur téléphone ou leur ordinateur portable. Car chaque notification vous appelle et vous aspire à nouveau dans le travail. Ce que l’on appelle une période de récupération destinée à offrir à l’esprit le temps et l'espace nécessaires pour se remettre de toute la numérisation qui nous entoure. Une sorte de moment de récupération où vous n'êtes, pour une fois, pas en train d’utiliser votre ordinateur portable ou votre smartphone. Difficile à garantir parfois lorsqu’on reçoit encore des mails le soir ou le week-end. La durée de cette période quotidienne varie d'une personne à l'autre et ne peut être définie de façon standard. Dormir ne suffit pas pour récupérer. »
Madelien : « C’est exact. Dans le cadre du télétravail, l’équilibre entre le travail et la vie privée est souvent mis à mal, et définir cette période de récupération n’en est que plus difficile. Vous passez d’une tâche à l’autre et l’ordinateur portable reste souvent allumé dans le salon. Le trajet de retour vers le domicile et les éventuels embouteillages ne sont certes pas amusants, mais ils permettent de mieux faire la coupure entre la vie professionnelle et la vie privée. La déconnexion ne coule donc pas de source pour les télétravailleurs. Ici aussi, le rôle de modèle du responsable d’équipe revêt toute son importance. Il doit veiller à entretenir un dialogue ouvert à ce sujet. »
Madelien : « Cela peut donner l'impression que la déconnexion n'est pas nécessaire dans les petites entreprises. Mais rien n'est plus faux. Je pense même qu’il est beaucoup plus difficile dans une petite entreprise d'avoir un éventail de tâches bien délimité et de se déconnecter. Pour être honnête, je conseillerais aux petites organisations de réunir leur personnel pour trouver un accord sur ce point, même si ce n'est pas obligatoire. Car chaque entreprise devrait se demander comment elle se porte à l’heure actuelle et quelle est la situation la plus souhaitable pour elle, pour l'équipe, mais aussi pour chaque collaborateur. Un bon leadership est déterminant pour une mise en œuvre réussie de la déconnexion. Les responsables d’équipe devraient montrer l'exemple et encourager les collaborateurs à prendre leur bien-être numérique au sérieux, quelle que soit la taille de l’organisation. »
Madelien : « La déconnexion consiste au final à trouver un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée dans un monde numériquement connecté. Portez un regard critique sur vous-même et posez-vous les questions suivantes : « Qu'est-ce qui me stresse au fond ? Est-ce que c’est la (dé)connexion ou quelque chose d'autre comme une trop forte pression au travail ? Commencez par dresser un bilan de la situation et essayez ensuite de décrire ce qui serait pour vous la situation idéale. Discutez-en ensuite avec votre responsable d’équipe, qui est le maillon entre l'organisation et le collaborateur. Car créer un environnement de travail où chacun se sent soutenu pour donner le meilleur de lui-même sur les plans professionnel et personnel est une responsabilité partagée. »