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Verdissement de la mobilité : tout le monde à l’électrique à partir de 2026 ?

Rédigé par Pieter Debbaut | 22 novembre 2021

Quelques chiffres… Les voitures de société sont à l’origine de l’émission de quelque 2,8 millions de tonnes de CO2 par an, soit un cinquième de l’émission du parc automobile belge total. Quelque 700 000 voitures de société circulent aujourd’hui sur les routes belges, équipées principalement (ou quasi exclusivement) d'un moteur à combustion et utilisées de plus en plus souvent pour les déplacements domicile - lieu de travail. Plus de la moitié des nouvelles voitures vendues sont des voitures de société.

À la lumière des objectifs climatiques européens qu’il nous faut atteindre d’ici 2030, il y a une urgence « politique » à intervenir. Le verdissement fiscal et social de la mobilité est en passe de s’accélérer. Le 26 octobre 2021, la Commission des Finances a adopté le projet de loi sur le verdissement de la mobilité.

Les lignes de force de la réforme

L’avantage fiscal disparaît complètement pour toutes les voitures de société acquises par des employeurs à partir de 2026 et qui roulent encore (partiellement) au combustible fossile. Les voitures de société sans émission de CO2 achetées, commandées, prises en leasing ou en location avant le 1er janvier 2027 restent déductibles fiscalement à 100 % pour l’entreprise ou l’employeur. Pour les voitures de société sans émission de CO2 achetées à partir de 2027, la déductibilité fiscale sera progressivement réduite : 95 % si achat en 2027, 90 % si achat en 2028… jusqu’à 67,5 % pour les voitures de société achetées à partir de 2031. Le législateur introduit également un régime transitoire (lisez : un scénario d’extinction) pour les voitures de société avec émission de CO2 achetées par des employeurs entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025. Le but est que le verdissement du parc de voitures de société se fasse le plus rapidement possible.

Afin d’encourager les particuliers, indépendants et entreprises à passer à des voitures neutres en CO2, il faut suffisamment d’installations de recharge à domicile, au travail ou sur la route. Afin d’encourager l’installation de bornes de recharge, l’État offre aux particuliers une réduction d'impôt (max. 45 % - min. 15 %) pour l’installation d'une borne de recharge à domicile, et aux entreprises une déduction majorée de frais (max. 200 % - min. 75 %) pour l’installation de bornes de recharge accessibles au public. L’avantage fiscal sera toutefois réduit progressivement dans le temps. Plus tôt vous investissez en tant que particulier ou entreprise, plus élevé sera votre avantage fiscal. Le mot d’ordre est le suivant : d’abord prévoir des installations de recharge en suffisance, ensuite augmenter le nombre de voitures électriques.

Vous pouvez écouter les mesures précises du projet dans le présent webinaire.


L’alternative « oubliée » : le budget mobilité

Le budget mobilité offre aux travailleurs une alternative à la voiture de société. Les raisons du faible succès remporté à ce jour par cette possibilité sont diverses. La complexité du régime surtout fait que le budget mobilité n’a pas encore été adopté, que ce soit par l’employeur ou par le travailleur. Le gouvernement a dès lors décidé d’adapter les conditions d’application du budget mobilité (lisez : de le rendre plus flexible, entre autres, par la suppression des délais d’attente à respecter par l’employeur et le travailleur) et d'élargir les possibilités d'utilisation du budget (abonnements de transports publics pour toute la famille, prime piéton et extension du rayon pour l’éligibilité des frais de logement...). Ces adaptations doivent accroître sensiblement le succès du budget mobilité à partir de 2022 et contribuer à une solution structurelle aux problèmes de mobilité dans notre pays. L’avenir nous dira si ces adaptations permettent d'induire rapidement un changement significatif ou si le budget mobilité restera plutôt une mesure marginale…


Quel est l’impact budgétaire de cette réforme de la mobilité verte ?

L'impact budgétaire direct de la déduction majorée de frais et de la réduction d'impôt pour l’installation de bornes de recharge pour voitures électriques est limité et estimé à respectivement 13 et 15 millions d’euros par mesure. Ces mesures sont financées par le Fonds de relance de l’UE. L'impact total sur les finances publiques (comme la baisse des accises sur les combustibles fossiles, les recettes de TVA, la déductibilité fiscale des frais de voiture et l’avantage de toute nature) sera évalué au plus tard le 30 avril 2026 (?).

La facture éventuelle sera-t-elle reportée sur un prochain gouvernement ? Il est clair que personne n’est aujourd’hui en mesure de chiffrer correctement les conséquences financières de l’actuel projet de verdissement. Le coût total de l’électrification du parc automobile reste dès lors un grand point d'interrogation. Cela ne peut toutefois pas ralentir le processus ni y faire obstacle : la direction a été définie, les bases ont été jetées. Il faut maintenant s’en tenir au plan. Il n’y a plus qu’à espérer que la capacité du réseau électrique ne vienne pas contrecarrer ce plan. La question de l’approvisionnement futur en électricité demeure une question politique extrêmement difficile à trancher...

Peut-être est-il dès lors indiqué de procéder à une première évaluation intermédiaire. Y aura-t-il suffisamment d’installations de recharge pour voitures électriques en 2024 ou 2025 ? Le réseau électrique est-il suffisamment préparé aux grandes quantités de voitures électriques qu'il faudra recharger en même temps ? Comment les prix des voitures électriques vont-ils évoluer ? …